NOTRE COMPLEMENTARITE (pas seulement) UTILE MAIS INDISPENSABLE, NECESSAIRE, A VIVRE AU QUOTIDIEN !
En mars 2008, comme fin 2000, avant les élections municipales j’avais dit que je voterai pour la liste qui présenterait « des personnes représentant au mieux la diversité sociale, socioculturelle, professionnelle, économique, politique, philosophique,… de notre cité, ce qui semble primordial pour la cohésion, le fonctionnement démocratique, l’équilibre, l’efficacité, le « bien vivre ensemble… »
Nous sommes tous des démocrates épris aussi de liberté. Il y a trois ans, le suffrage universel a tranché. Mais la majorité (relative) dans notre commune, comme toutes les majorités, ne doit pas prendre de décisions qui vont à l’encontre des droits de la personne, sauf cas exceptionnels. L’éthique de la liberté et de l’égalité, qui peuvent paraître contradictoires, toujours en tension, « se manifeste dans le principe démocratique en ce que toutes les voix doivent compter de manière égale dans les décisions publiques…Toute personne ou tout groupe minoritaire doit pouvoir protéger ses intérêts et ses droits les plus fondamentaux, et ce, même contre le poids de l’opinion de la majorité » (Ministère de l’Education du Québec : perspective pour l’école québécoise).
On dira que c’est de la grande philosophie politique qui s’applique en haut lieu, au niveau de nos grands gouvernants, à Paris… Ici, on n’y peut rien ou pas grand chose, cela ne nous concerne pas ! Est-ce si sûr ?
Voyons localement : que pouvons-nous faire ? Seulement manifester tous les six ans nos choix et volontés, en votant ? (Alors que l’abstention gagne du terrain)…Il est sans doute utopique de souhaiter que nos dirigeants, à tous les niveaux consultent les administrés régulièrement sur la marche des affaires communes. La démocratie représentative va mal. Nos élus locaux jusqu’ici épargnés (élus de proximité, eux, proches des préoccupations des gens, disait-on) dégringolent de onze points dans les derniers sondages et atteignent tout juste la majorité d’opinions favorables, pour ce qui est des maires…La démocratie participative, difficile à mettre en pratique, exigeante, peut-elle être un antidote ? Nous le pensons sincèrement, sinon ce serait à désespérer !
Si nos élus n’y recourent pas ou peu : deux réunions publiques ouvertes à tous ont semble-t-il été organisées ici en trois ans : l’une sur l’aménagement de la digue et du bord de mer, au cours de laquelle il a été déploré la tristesse morne et désespérante de la vie balnéaire sur la plage l’été : plus d’animations diverses comme dans le passé… Même si, heureusement encore, ce n’est pas du ressort municipal ! Et l’autre sur le contournement de la bruyère, et aussi peut-être les rencontres pour la visite du chantier de l’EPHAD, l’utilisation du défibrillateur ou la sécurité des personnes âgées…
Nous pensons que c’est aux citoyens de se « prendre par la main ». Une municipalité qui veut (voudrait) tout faire ou contrôler est un leurre. Le tissu associatif en ce sens est primordial, fondamental. Relai entre le citoyen de base et le (les) pouvoirs, c’est une alchimie délicate, complexe, fragile certes, toujours à reconstruire, perfectionner, vivifier. Ne pas tenir compte des initiatives privées, voire les étouffer ou même les combattre est non seulement une erreur mais une faute grave contre la démocratie locale…
Il y a plus de 150 ans, notre compatriote Manchois, Alexis de Tocqueville, ancien député de Valognes et président du conseil général de la Manche, notait que le bénévolat est le socle de la société civile, l’association, le socle de toute démocratie… Il écrivait à propos d’autres peuples qu’il connaissait bien :
« De tous âges, de toutes conditions, de tous les esprits, ils s’unissent sans cesse. Non seulement ils ont des associations industrielles et commerciales auxquelles tous prennent part, mais ils en ont encore mille autre espèces : de religieuses, de morales, de graves, de futiles, de fort générales et de très particulières, d’immenses et de fort petites… » C’est un peu la « respiration » de la cité, aussi un aiguillon indispensable, le « poil à gratter »,….Ne parle-t-on pas aussi de « forces vives », de société civile…?
Je rappelle que le 5 avril 2006, une conférence-débat s’est déroulée à la Faisanderie, avec le soutien du service culturel de la municipalité d’alors, avec comme thème « Actualité de la pensée de Tocqueville, témoin, analyste et acteur de la démocratie : l’intelligence et l’éthique du politique ».
Or que se passe-t-il chez nous depuis trois ans ? Ne voyons-nous pas le pouvoir communal, ici et là, tenter de se substituer par des structures plus ou moins grosses à ce qui se faisait auparavant sous une forme associative, privée, sans doute imparfaite, mais perfectible. Une aide ou un soutien fort n’auraient-ils pas été préférables ? Dans l’intérêt bien compris de tous d’abord ! Car cela ne risque-t-il pas d’entraîner plus ou moins rapidement désintérêt, découragement, résignation plus ou moins sereine, lassitude, risques de bureaucratisation, une certaine forme d’assistanat généralisé, de clientélisme même… (Mais que l’on ne s’y trompe pas, l’attention aux plus faibles, aux « laissés pour compte », aux « blessés de la vie »,…doit être un impératif pour tous, à commencer par les élus et les services sociaux locaux…).
On peut se demander si l’orientation n’a pas été prise il y a trois ans par la suppression des pages réservées jusque là aux associations dans les deux magazines municipaux annuels ? L’argument économique tient-il vraiment ?... La libre expression, souvent bien inoffensive était-elle perçue comme un risque par nos élus ?
Des associations se maintiennent, agissent, respectueuses des droits et responsabilités des uns et des autres, en bonne intelligence avec les élus, dans un climat de confiance, respect des différences et diversités , complexités mêmes, qui sont sources d’enrichissement mutuel, liberté, ouverture, écoute, tolérance, s’efforçant de créer une vie collective, conviviale, à contre-courant de l’idéologie du conformisme, de l’individualisme et du relativisme ambiants et dominants, trop souvent stérile, cyniques, qui essaient au contraire de « tirer vers le haut » en créant les conditions d’un mieux « vivre ensemble » où chacun ait sa place et se sente reconnu dans sa dignité et valorisé…
Je ne parle pas des associations « citoyennes » qui ont un rôle militant bénéfique, posent des questions, provoquent des débats et discussions, interpellent…c’est leur rôle et elles le font bien !
Sans tomber dans le pessimisme ou la sinistrose ambiante, il me semble que nous devons être vigilants. A tous les niveaux, et le niveau local n’y échappe pas, nous menace ce que Tocqueville encore, visionnaire lucide, courageux, prémonitoire qui dés le milieu du 19ème siècle nomme une « dictature douce ». Il décrit « cet autoritarisme plus étendu et plus doux, qui dégraderait les hommes sans les tourmenter...
Ce nouveau pouvoir transforme les citoyens qui se sont battus pour la liberté en une foule innombrable d’hommes semblables qui tournent sans repos pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, où , chacun retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée des autres… Isolés, tout à leur distraction, concentrés sur leurs intérêts immédiats, incapables de s’associer pour résister, ces hommes remettent alors leur destinée à un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d’assurer leur jouissance… et ne cherche qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance. Ce pouvoir aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il pourvoit à leur sécurité, facilite leurs plaisirs. Il ne brise pas les volontés mais il les amollit, il éteint, il hébète… »
Je cite assez longuement ces pages, classiques et connues, qui sont sombres, mais me semblent utiles à reproduire et à méditer…
Y aura-t-il des «lanceurs d’alerte », à tous les niveaux, à commencer par le niveau local, ici et maintenant, à Saint Pair sur Mer, pour réveiller nos concitoyens ?
Saint Pair sur Mer, le 18 mai 2011. Michel Normand, militant associatif et citoyen.